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APÉRITIF ROYAL !

Samedi 08 avril 2017

Cette semaine, Lydie écrit à Aymeric Rouillac, commissaire-priseur, afin de connaître l’origine et l’histoire d’un «vase de famille».



Lydie aura probablement grand’ peine à fleurir cet objet. Et pour cause ! Ce n’est pas un vase mais un drageoir. Eh oui ! Bien que généralement couvert, « le drageoir peut aussi être constitué d’une ou plusieurs corbeilles basses munies d’un élément de prise » selon la définition de l’ouvrage Objets civils domestiques. Cet objet est utilisé depuis le XIVe siècle pour le service des dragées, bien évidemment, mais également des pâtes de fruits et autres friandises qui répondent au nom obscur « d’épices de chambre ». En bref, c’est un objet de plaisir qui sert à satisfaire les gourmands ! La bonbonnière, sa cousine, adopte généralement la forme d’une boîte ronde, plutôt plate et est munie d’une charnière retenant un couvercle.

Cette large définition typologique fait que le drageoir peut prendre des formes multiples et être fabriqué dans n’importe quel matériau : argent, cristal, porcelaine, bois, etc… Ici nous sommes face à un biscuit de porcelaine. Ce terme désigne une porcelaine « brute », polie, mais non émaillée, donc mate. Cette technique est découverte en France par la manufacture de Sèvres en 1751. La pâte révèle ainsi tous ses détails et irradie de sa blancheur immaculée. Elle obtient immédiatement un succès fou et continue d’inspirer les artistes contemporains comme Jeff Koons.

Ici il n’est pas question de blancheur puisque le biscuit est peint avant d’être passé au four. Les carnations des jeunes nymphes sont de couleur crème, et leurs robes vert pastel à rehauts roses et or. Le biscuit peint de ce vert inimitable est la spécialité d’une manufacture de Bohème. En effet, on n’y fait pas que du cristal ! Elle est fondée en 1853 dans la ville de Dux, au nord de Prague, pour la production de vaisselle utilitaire. Elle connaît un certain succès à la fin du XIXe siècle mais n’acquiert sa grande renommée que durant la période Art Nouveau, avant la première Guerre Mondiale. La manufacture « Royal Dux Bohémia » embauche alors un modeleur-décorateur de talent : Alois Hampel. Ce dernier est à l’origine de pièces très élégantes et toujours de grande qualité. Vases, jardinières, coupes, surtouts de tables, parfois de grande dimensions, adoptent des formes complexes, et sont souvent agrémentés de figures féminines telles les nymphes du drageoir de notre lectrice. La marque au verso doit être un triangle rose.

Bien que ces pièces marquent l’apogée de la manufacture (qui existe toujours !), elles sont aujourd’hui passées de mode. Lydie a oublié de nous donner les dimensions de son drageoir à double corbeille. Si son drageoir mesure 30 cm de haut, ce qui est une belle taille, et s’il est en parfait état, comptez entre 120 et 180 €. Avec les beaux jours qui reviennent, remplacez donc les dragées par des chips et autre rondelles de saucisson pour un apéritif on ne peut plus chic !
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