FR
EN

Le languages des fleurs

Samedi 22 octobre 2011

Un lecteur de La Chaussée Saint-Victor nous précise que la toile dont il envoie la photo est signée E. Boutry et datée 1879. Le commissaire-priseur Aymeric Rouillac expertise cette peinture, œuvre de jeunesse d’un sculpteur lillois.

Un lecteur de La Chaussée Saint-Victor nous précise que la toile dont il envoie la photo est signée E. Boutry et datée 1879. Le commissaire-priseur Aymeric Rouillac expertise cette peinture, œuvre de jeunesse d’un sculpteur lillois.

Six belles roses, jaune, blanche, pourpre et rose, fraîchement coupées dans un jardin, s’épanouissent dans un joli vase en faïence à décor de coquelicots multicolores. Le vase est posé sur une console de marbre gris devant un fond noir, permettant aux couleurs d’exploser de façon éclatante. La rose blanche qui domine la composition est la source de lumière de cette toile. Plus qu’une nature morte il faut y lire une déclaration d’amour.

Si les coquelicots du vase symbolisent la fragilité des sentiments : « Fanant si vite il faut nous aimer au plus tôt ! », la rose, elle, est une déclaration passionnée, romantique et poétique. En variant les couleurs de son bouquet, le peintre se dévoile devant celle à qui ce tableau est destiné. La rose blanche lumineuse au sommet affirme la pureté et l’innocence de son élan. La rose jaune qui tombe légèrement en bas à gauche, vers la signature, exprime son inquiétude quant à la fidélité de sa maîtresse. Une fleur rose tente de la rattraper. C’est le rose de la tendresse mais aussi de la timidité du jeune peintre. La fin de l’histoire se lit peut-être avec cette rose pourpre de la passion, coupée trop court et tombée du bouquet… Elle git tragiquement sur le marbre froid et gris. « Les histoires d’amour finissent mal… en général ! »

Le sculpteur lillois Edgard Boutry (1857-1938) peint ce bouquet alors qu’il n’a que 22 ans. Il est l’élève du sculpteur Albert Darcq aux Écoles Académiques Lilloises, auquel il succèdera plus tard. Les cours d’une école d’art sont complets : dessin, peinture et sculpture. Sur ce tableau, le modelé des fleurs et du vase, ainsi que les jeux d’ombre permettent de restituer en deux dimensions (hauteur et longueur) la réalité d’un objet en trois dimensions (profondeur) comme le ferait un sculpteur. Élève de l’école des Beaux-arts de Paris puis médaillé du Prix de Rome en 1885, Boutry sera le sculpteur officiel du Nord de la France, réalisant notamment de nombreux monuments aux morts à Lille après la première guerre mondiale.

Cette petite toile dont on ne connait pas les dimensions peut être estimée entre 200 et 300 € en vente publique. Plus que le prix où le nom du sculpteur, la variété botanique du langage amoureux est le véritable sujet de cette œuvre, signée d’un jeune artiste un peu gauche…mais très amoureux !
Inscrivez-vous à notre newsletter :
Suivez-nous :