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UN BUREAU AMÉRICAIN DES PLUS PRATIQUES

Samedi 01 avril 2017 à 07h

Cette semaine Brigitte B. interroge notre expert Me Philippe Rouillac commissaire-priseur, sur l’histoire de son monumental bureau de famille.



Voilà de quoi ranger aisément papier et correspondance : un véritable meuble fonctionnel. Larges caissons latéraux, grands et petits tiroirs, nombreux registres, casiers horizontaux et verticaux, deux tirettes en façade, et probablement tiroirs secrets et autres cachettes - ce bureau a été conçu pour un homme d’ordre, de rangement. Des étiquettes peuvent être glissées dans des encadrements de cuivre sur des petits tiroirs afin d’en préciser le contenu. Il ouvre et se ferme par un couvercle incurvé, un quart de cylindre mouvementé à lattes coulissantes qui s’encastre dans des montants. Ces mêmes amovibles, se déplient - afin de dégager une fois rabattus un espace de travail encore plus grand pour les écritures. Fermé par poussoir et une clef bloquant le mécanisme d’ouverture et de déploiement du cylindre - il devient coffre-fort, inviolable aux curieux. En bois d’acajou, rouge, dense, il ne souffre d’aucune fantaisie ou sculpture ; seules les poignées des grands tiroirs en façade, elles-mêmes en ce bois exotique recherché, sont sobrement sculptées : un vrai bureau masculin. On imagine fort bien le docteur Antoine, un des héros des Thibault de Roger Martin du Gard, grand bourgeois assis devant son « rangetout », y tenant ses affaires discrètement.

A l’origine, la « bure » désigne un drap de laine placé sur un coffre ou une table, destinée aux comptes ou à l’écriture. Si effectivement, le bureau est né au XVIIe siècle, souvenez-vous des bureaux dit « Mazarin » des châteaux de la Loire : genre de coffre haut monté sur huit pieds, pas très confortable pour y glisser ses jambes, avec un dessus rectangulaire plat. Puis il évoluera en grande table de travail, donnant le bureau plat à quatre pieds et trois tiroirs en façade comme l’archétype du bureau du président de la République - dont depuis Louis XV on ne compte plus ni les modèles ni les exemplaires, c’est le « bureau ministre ». Apparaîtra sous Louis XVI les bureaux dits à cylindre comme celui du Roi exécuté par Oeben et Riesener. Le bureau de Brigitte en est un pâle dérivé, mais est né outre atlantique c’est pourquoi on le baptiste communément « bureau américain ». Les hommes du Far West s’absentaient longuement et n’aimaient pas que l’on fouille leurs petites affaires et autres papiers…

Cette fabrication née dans le dernier quart du XIXe siècle se prolonge jusqu’à nos jours – mais de taille plus modeste, d’encombrement plus réduit. Parfois le plateau de travail se glisse, dégageant une surface plus grande encore, et non recouverte de cuir - pouvant accueillir ordinateur et imprimante. Voilà un meuble qui reste d’actualité, mieux qu’une simple planche sur deux tréteaux. C’est pour quoi ne comptez pas moins de 1.500 € en vente publique pour un exemplaire semblable…dont nous ne connaissons pas, par ailleurs, les dimensions. Très rarement signé seule la serrure peut comporter des inscriptions…à découvrir, comme son secret !
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