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Lettres d'un poète au front

Vendredi 31 mars 2017

La Gazette Drouot, Caroline Legrand


Guillaume Apollinaire (1880-1918), lettre autographe, signée avec dessin,
Nîmes, 3 janvier 1915, à sa «chère petite Mireille Havet», deux pages in-8° à l’encre violette,
dessin à la mine de plomb.
Estimation : 10 000/15 000 €


Une manne d’informations… Une douzaine de lettres et manuscrits autographes de Guillaume Apollinaire, estimés entre 500 et 15 000 € pièce, seront dispersés lors de cette vente. Tous remontent à la période 1914-1916, durant laquelle le poète est engagé sur le front, dans cette guerre qui verra sa perte. Ayant été blessé à la tempe par un éclat d’obus dans les tranchées le 17 mars 1916, il sera trépané puis démobilisé, mais en gardera une grande fragilité et ne résistera pas à la grippe espagnole, deux ans plus tard, qui le tuera le 9 novembre 1918. Ironie du sort : il n’aurait pas dû faire cette guerre… En effet, Apollinaire étant né à Rome le 26 août 1880 et de nationalité polonaise, il lui a fallu réaliser de nombreuses démarches avant de pouvoir s’engager. Il essuya un refus en août 1914 avant d’obtenir gain de cause en décembre à Nice. Ces lettres sont adressées pour la plupart à Mireille Havet (elles proviennent d’ailleurs de la collection de Dominique Tiry, la petite-fille de la dernière amie de Mireille Havet). Celle qu’Apollinaire appelle «chère petite Mireille» était une jeune fille de 16-18 ans d’une grande intelligence, fréquentant Paul Fort, Colette ou Paul Morand, et qui écrivit un unique roman, Carnaval, en 1922. Homosexuelle déclarée, elle vécut intensément mais fut frappée par la maladie et la toxicomanie et mourut à 33 ans. Dans ces missives très familières, Apollinaire lui raconte tantôt sa vie de soldat à Nîmes, tantôt ses amours, notamment à Nice, où il retrouve, pendant ses permissions, Louise de Coligny, dite Lou. Le poète lui déclare aussi, maladroitement, sa flamme. Dans cette lettre accompagnée d’un dessin, il écrit : «Mes éperons et mon étui de revolver ont eu un grand succès avec mes houseaux dans une ville
où il n’y a que de l’artillerie lourde. Je vous envoie mon portrait approximatif… » Il poursuit : «C’est épatant d’être militaire et je crois que c’est un vrai métier pour un poète (…). Je deviens d’une brutalité merveilleuse. L’autre jour en promenade le cheval de mon voisin a rué et cassé la jambe au jeune homme qui me suivait,
ça ne m’a causé aucune émotion.» Un manuscrit autographe comprenant sept calligrammes de 1914, estimé 5 000/6 000 €, rappellera également la publication en 1918 de son recueil de poésies éponyme.
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