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Le bonheur est dans le pré

Samedi 19 décembre 2009

Monsieur Thomas de Vendôme nous envoie trois photos d’un tableau qui appartenait à ses arrières grands-parents « depuis au moins 100 ans ». Il ajoute « PS : pour info, un brocanteur en a proposé 200 € en liquide à ma mère (80 ans) en lui disant qu’il reviendrait ? » Me Philippe Rouillac expertise cette scène bucolique…

Monsieur Thomas de Vendôme nous envoie trois photos d’un tableau qui appartenait à ses arrières grands-parents « depuis au moins 100 ans ». Il ajoute « PS : pour info, un brocanteur en a proposé 200 € en liquide à ma mère (80 ans) en lui disant qu’il reviendrait ? » Me Philippe Rouillac expertise cette scène bucolique…

La représentation du paysage est très longtemps restée limitée en peinture aux scènes historiques, aux grandes batailles, aux sujets bibliques ou aux divinités antiques. Ces tableaux étaient réalisés dans l’atelier du peintre, qui mélangeait lui-même savamment ses couleurs, à la façon d’un alchimiste chercheur d’or. L’apparition de la peinture en tubes au début du XIXe siècle révolutionne la manière de peindre le paysage : les artistes peuvent désormais partir avec un léger matériel sous le bras et peindre « en plein air ». Le paysage est directement dessiné dans la nature, et non plus de mémoire de retour dans l’atelier. Notre tableau appartient ainsi à cette nouvelle manière de peindre.

Ce paysage répond parfaitement aux attentes de la seconde moitié du XIXème siècle. Une bergère est assise de dos au premier plan ; elle garde cinq belles vaches laitières distraites par un cours d’eau. Trois d’entre elles semblent vouloir traverser le gué, alors que deux autres s’apprêtent à boire. Au fond trois chaumières à la cheminée fumante sont calmement posées au pied d’une colline boisée. Un arbre penché au dessus de l’eau ferme le tableau à gauche. Le temps semble comme suspendu, et rien ne vient troubler le ciel bleu. Les proportions sont bien respectées : il est fort probable que le peintre ait posé son chevalet près de cette jeune femme, et qu’il se soit laissé envouter par la sérénité des lieux. Il a certainement terminé son tableau dans l’atelier, navigant entre le réalisme d’une scène de campagne et la douce nostalgie d’un moment perdu. Réalisme pictural plus qu’impressionnisme, ce tableau appartient à l’École de Barbizon, à l’École de Fontainebleau : l’école du paysage naturaliste.

Mais ce tableau a souffert : observez-plutôt les manques de peinture sur l’arbre à gauche, probablement dues à l’humidité. D’un beau format, le revers du tableau fait apparaitre des planches de bois parquetées, c’est-à-dire assemblées à la manière d’un parquet. Le bois est un support précieux : il était déjà utilisé par Léonard de Vinci pour peindre la Joconde. Il s’agit donc d’un tableau que le peintre considérait lui-même comme important. Mais qui est donc ce mystérieux peintre ? En bas à droite une signature nous en dit plus. Elle pourrait être celle de Claude Nozerine. Né en 1804 et mort en 1879, ce peintre est malheureusement trop peu connu pour qu’on puisse lui attribuer ce tableau avec certitude. C’est une piste à suivre pour notre lecteur : l’examen attentif des papiers collés sur le bois au dos du tableau pourra certainement l’éclairer dans l’enquête.

Quel est le juste prix de ce tableau ? Peintre du dimanche ou suiveur d’un maître tel Daubigny, ce peintre est inconnu, la scène charmante, mais à restaurer… Comptez 100 à 200 €, compte tenu de l’état. « Le brocanteur qui en proposait 200 € » pensait peut être découvrir un Corot, « lever un lièvre royal »…Il n’en est rien, il peut revenir pour ce prix offert…Mais plutôt que de vendre ces vaches à petit prix, faites les restaurer et elles vous apporteront beaucoup de bonheur. Car après tout : le bonheur est dans le pré !
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