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Meunier tu dors !

Samedi 04 février 2017

Le vent qui gronde depuis hier donne l’occasion à Aymeric Rouillac, commissaire-priseur, de se pencher sur une aquarelle que lui a fait parvenirP hilippe, d’Yvoy le Marron (près de Chaumont-sur-Tharonne), et qui représente un moulin à vent.



Aucun secret n’est à découvrir concernant l’aquarelle de Philippe qui a déjà identifié le moulin à vent représenté. Il se dressait sur la commune d’Yvoy depuis le17e siècle, jusqu’à sa destruction en 1927. Il nous livre aussi une anecdote savoureuse : l’acte de vente notarié stipulait que les anciens propriétaires devaient apprendre aux nouveaux l’art de moudre le grain pendant deux années avant de pouvoir s’en aller ! Sur cette œuvre signée Paul Besnard, on constate qu’il n’est déjà plus en bon état. Nous sommes au début duXXe siècle.

Besnard naît à Orléans en 1845. Juge d’instruction à Romorantin, il abandonne ce métier en 1885 pour se consacrer à sa passion : la peinture.Ce talent lui servira à sublimer son autre grand amour : la Sologne. Les tons sont doux et clairs et la luminosité parfaitement rendue.Si sa préférence va aux paysages lacustres et marécageux, il ne manque pas de représenter des édifices de caractère, tel ce moulin. À son époque (il décède en 1930), ces constructions commencent déjà à se raréfier.

En 1896, on compte plus de 37 000 moulins en activité sur notre territoire, contre 14 470 en 1931. A eau, à vent, ou à marée,ils sont tous munis d’un axe entrainant la rotation de deux meules qui broient les céréales pour en faire de la farine ou des fruits et graines pour en extraire de l’huile. Certains pompent même de l’eau, en Hollande par exemple, pour garder les fameux polders au sec.

Et pourtant, les moulins se généralisent sur le sol occidental dès le XIIe siècle. Tout comme les fours à pain, les moulins appartiennent au seigneur - ou à l’abbaye -propriétaire des terres sur lesquellesil est construit. Exploités par un maître meunier, ils sont dits « bannaux » car sujets à une taxe payée par les habitants de la seigneurie qui ont l’obligation d’y venir faire moudre leur grain. Ce « droit de mouture » peut aller jusqu’à un dixième des céréales apportées. Mais les moulins à vent vont poser problème aux législateurs du Moyen-Âge, comme en témoignent nombre de litiges. S’il ne fait aucun doute que les cours d’eau – et donc les moulins qu’on y construit - sont la propriété du seigneur local, à qui donc appartient le vent ? Eh eh ! De ce fait, les premiers moulins àvent sont exemptés de taxes... mais pas pour longtemps ! Cette banalité est abolie en 1793, ce qui entraine la prolifération des moulins. Mais l’apparition des moulins à vapeur, des moulins électriques, la création de grandes minoteries industrielles et enfin l’instauration du contigent en 1935 (limitation de la quantité de grain à écraser par moulin) vont sonner le glas des petits moulins de campagne.

C’est le cas du moulin de Philippe. Il est appelé « pivot » ou « chandelier » car, à l’aide du timon on peut le faire pivoter afin de l’orienter face au vent. Entièrement en bois, vouspouvez vous faire une idée de l’allure qu’il avait en vous rendant en Beauce, du côté de Talcy, Maves ou encore Oucques, trois communes qui possèdent encore un superbe moulin. Pendant des siècles, il n’y avait guère que les moulins et clochers pour casser la monotonie des paysages beaucerons… avant l’arrivée en masse des éoliennes. Pour cette belle aquarelle et cet important témoignage patrimonial, comptez 150 à 200 € en présumant qu’elle mesure environ 25 x 30 cm.
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