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Le confort "moderne"... au XIXe siècle !

Samedi 21 mai 2011

Cette semaine, une lectrice nous adresse la photographie d’un bien curieux objet. Reposant sur trois pieds en fonte, il mesure 1,50 mètre de hauteur et 30 cm de diamètre.

Cette semaine, une lectrice nous adresse la photographie d’un bien curieux objet. Reposant sur trois pieds en fonte, il mesure 1,50 mètre de hauteur et 30 cm de diamètre.

Le corps principal est en cuivre, métal que l’on reconnaît à sa couleur rouge orangée, ternie par l’oxydation. En partie intermédiaire se trouvent plusieurs tuyaux de sortie. Enfin, une porte en fonte, surmontée de la marque du fabriquant, «Le Villageois », et un tiroir, occupent le bas. Cet appareil provient de la salle de bain d’une ancienne bâtisse. Il s’agit en effet d’un chauffe-eau : l’eau, stockée dans le réservoir, est chauffée grâce au feu de bois allumé en partie inférieure. Les cendres sont ensuite récupérées grâce au tiroir placé en-dessous, comme dans un fourneau. À l’instar d’autres modèles de cette époque, il est fort probable qu’il se compose intérieurement de trois cylindres concentriques, dont deux sont occupés par l’eau à chauffer et le troisième, intermédiaire, servant de conduit pour la fumée et contribuant par la même occasion à véhiculer la chaleur. Notre chauffe-eau, probablement réalisé au début du XXe siècle, devait être placé à côté d’une baignoire en cuivre ou en fonte émaillée.

Cet appareil est le reflet des préoccupations nouvelles d’hygiène et de confort au XIXe siècle. Pendant longtemps, l’eau est accusée de véhiculer des maladies ; de plus, comme elle ramollit la peau et ouvre les pores, on pense qu’elle rend celle-ci plus vulnérable aux infections… Les courtisans pratiquent la toilette « sèche » : au retour de la chasse, ils s’essuient le corps avec un linge et changent de vêtements. Ensuite, ils se poudrent le visage et se parfument de musc ou de patchouli. Si l’on a parfois exagéré l’ambiance crasseuse qui régnait dans les salons dorés de Versailles, il est certain que le souci d’une hygiène plus proche de la nôtre n’apparaît guère avant le XIXe. Les progrès de la science font valoir les vertus de l’eau. Les autorités, responsables de la santé publique, diffusent des affiches incitant à prendre un bain par semaine. L’eau est alors chauffée sur le fourneau et versée dans le bain. Puis apparaissent les chauffe-bains, récipients en métal cylindriques contenant des braises, à placer directement dans la baignoire, et enfin les chauffe-eau, comme celui que nous observons aujourd’hui. Il n’est cependant pas très pratique d’apporter du bois dans la salle de bain.

C’est pourquoi l’on invente dans la deuxième moitié du XIXe siècle les chauffe-eau à gaz.. Certains immeubles parisiens datant de cette époque portent encore de petites plaques émaillées, indiquant fièrement : « Gaz à tous les étages ». Dans le domaine des arts graphiques, dans les années 1880, le peintre Degas, avec une série d’œuvres figurant une femme se lavant dans un tub – une bassine large et peu profonde – nous donne une idée de ce qu’était la toilette à la fin du XIXe siècle. Certains de ces tableaux sont conservés au musée d’Orsay. Par ailleurs, le matériau utilisé, à savoir le cuivre, et la forme verticale du chauffe-eau, nous rappellent les fontaines en cuivre qui se trouvaient autrefois dans les cuisines, avant l’arrivée de l’eau courante, et que Chardin représenta plusieurs fois dans ses tableaux, comme pour la nature-morte peinte en 1733, et conservée au musée du Louvre.

La valeur de notre chauffe-eau est symbolique ; peut-être une centaine d’euros au plus. Sans doute est-il toujours en état de fonctionnement. Il serait fort pittoresque de l’utiliser pour prendre son bain dans une maison de campagne, mais devoir allumer le feu et attendre que la température monte risquerait de nous lasser rapidement… Par ailleurs, comme objet de collection, la pièce est plutôt encombrante...
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