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Un parfum d'autrefois...à la mode de Proust

Samedi 16 avril 2011

Cette semaine, le commissaire-priseur Philippe Rouillac passe à la loupe l'ensemble de toilette d'un Blésois. Signé Baccarat, comme beaucoup d'autres...

Cette semaine, le commissaire-priseur Philippe Rouillac passe à la loupe l'ensemble de toilette d'un Blésois. Signé Baccarat, comme beaucoup d'autres...

Cet ensemble comprenant huit pièces est une garniture de toilette. En effet, on y trouve un atomiseur, deux flacons à parfum, une boîte avec couvercle, un verre à eau, une coupelle ovale pour le peigne et les épingles à cheveux, un porte-savon et un baguier. Ce dernier est une petite coupelle disposant au centre d’une tige de préhension ; une dame peut y déposer ses bagues ou les enfiler sur l’axe central.

Le vaporisateur dispose d’une monture,probablement en étain. À la fin du XIXe et au début du XXe siècles, ces objets se rencontrent fréquemment sur les tables de toilette, dans la chambre, et sont réalisés soit en verre, soit en céramique. Le propriétaire des flacons que nous observons nous indique qu’une partie d’entre eux portent la marque de Baccarat. En effet, il s’agit du modèle « bambous tors », répertorié dans le catalogue de 1893 de la Compagnie des cristalleries de Baccarat. Chaque élément, en cristal teinté rose, comporte des lignes en relief torsadées. À cette époque, l’entreprise installée en Lorraine est en plein essor. Sa production est vendue partout en Europe, ainsi qu’aux États-Unis et en Asie.Pour satisfaire à une demande croissante, les méthodes de production ont évolué. Si l’on continue d’y réaliser des pièces en cristal soufflées à la bouche par un artisan à l’aide d’une longue tige appelée « canne »,et ensuite ornées de motifs gravés à la roue, on emploie désormais un procédé plus rapide, le cristal « moulé-pressé ». La matière en fusion est coulée dans un moule métallique puis pressée par une forme complémentaire,comportant éventuellement un décor, constitué ici de godrons torses. Cette technique industrielle permet d’accroître la production, de diminuer les coûts et donc de toucher une clientèle plus large. Si tous les éléments que nous observons ne portent pas la marque imprimée en relief de « Baccarat »en toutes lettres, ils proviennent a priori tous de cette manufacture. En effet, avant 1936, le marquage n’est pas systématique, surtout pour les pièces de petite taille.

L’histoire de la manufacture remonte au XVIIIe siècle, lorsque l’évêque de Metz obtient la permission de Louis XV pour fonder une verrerie à Baccarat, en Lorraine. La libre entreprise n’existe pas encore et l’exercice d’une activité nouvelle dépend souvent d’une autorisation royale. Il ne s’agit à cette époque que de carreaux à vitres et de miroirs. Après la Révolution, l’entreprise périclite et est rachetée en 1816 par un industriel, Aimé-Gabriel d'Artigues. La production s’oriente alors vers le cristal et le luxe. Le roi Louis XVIII commande un service de verres en 1823. Puis, la renommée de Baccarat grandit encore grâce aux récompenses obtenues aux Expositions universelles. Le dépôt établi Rue de Paradis à Paris compte 246 employés en 1899 ! On y vend des services de verres, des chandeliers et d’immenses lustres. Un des marchés les plus importants est celui des flacons de parfum : en 1907, la production est de plus de 4000 flacons par jour, pour de grandes marques telles que Guerlain ou Coty. Aujourd’hui, la manufacture réalise des objets d’après les modèles fournis par de grands créateurs contemporains, comme Philippe Starck. Deux musées permettent d’admirer la production depuis les débuts, l’un à Baccarat et l’autre à Paris. Ce dernier se trouve Place des États-Unis, dans le XVIe arrondissement, et est ouvert tous les jours, sauf le mardi et le dimanche.

La garniture de toilette que nous observons aujourd’hui est donc bien une réalisation de Baccarat, mais ne correspond pas au meilleur de la production…Un tel ensemble se rencontre fréquemment en ventes publiques autour de 150 à200 €. Ce sont quoi qu’il en soit de charmants objets, que l’on peut toujours utiliser aujourd’hui, et qui portent en eux le charme désuet de la fin du XIXe siècle. Les flacons contiennent encore du parfum… Humez les senteurs vraisemblablement de violette, et l’univers de Proust va ressurgir, mondains et demi-mondaines dans une atmosphère Belle-Époque…
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