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Une assiette...politique, à accrocher au mur

Samedi 05 février 2011

Cette semaine, un lecteur nous demande notre avis au sujet d’une assiette que possédait sa mère. Elle est ornée au centre du portrait officiel, en habit, de Sadi Carnot.Celui-ci, élu président sous la IIIème République en 1887, est assassiné sept ans plus tard à Lyon par un anarchiste italien. Il devient alors un symbole fort de la République.À la suite de cet événement, partout en France, de nombreuses places sont rebaptisées du nom du président défunt. À Blois et à Tours apparaissent ainsi l’« Allée » et la « Rue Sadi Carnot ».

Cette semaine, un lecteur nous demande notre avis au sujet d’une assiette que possédait sa mère. Elle est ornée au centre du portrait officiel, en habit, de Sadi Carnot.Celui-ci, élu président sous la IIIème République en 1887, est assassiné sept ans plus tard à Lyon par un anarchiste italien. Il devient alors un symbole fort de la République.À la suite de cet événement, partout en France, de nombreuses places sont rebaptisées du nom du président défunt. À Blois et à Tours apparaissent ainsi l’« Allée » et la « Rue Sadi Carnot ».

La propagande se diffuse également par les nombreux objets portant son image. Ainsi, autour de 1900, la faïencerie de Sarreguemines en Moselle édite une série d’assiettes sur « Les hommes célèbres ». Elle avait d’ailleurs déjà réalisé une assiette sur le thème de l’Alliance franco-russe, conclue par Sadi Carnot et le tsar Alexandre III en1893 pour une défense commune en cas d’attaque par l'Empire allemand. Plusieurs présidents de la III ème République ont été représentés, tels Félix Faure, Paul Deschanel et Sadi Carnot. Le portrait photographique du président y apparaît au centre, en bleu foncé. Tout autour, dans une série de cartouches de couleur sépia, figurent des épisodes de sa vie, désignés par des légendes. On y voit « Sadi Carnot à l'École polytechnique en 1857 », « Sadi Carnot organisant la défense en janvier 1871 » et « Sadi Carnot nommé président de la République Française en 1887 ». En partie inférieure sont reproduits les symboles républicains, telle faisceau de licteurs, remontant à l’Antiquité romaine et signifiant que le pouvoir appartient au peuple. Devant ce faisceau,un tableau porte l’inscription « La France à Sadi Carnot » et est entouré du cordon de Grand maître de la Légion d’Honneur. Les vignettes sont entourées par un réseau de motifs décoratifs imitant des ferronneries. Il s’agit d’une bande dessinée avant la lettre, avec un contenu d’ « éducation populaire », comme on l’observait déjà au début du XIX ème siècle sur les images d’Épinal, illustrant par exemple les campagnes napoléoniennes. On n’utilisait d’ailleurs pas ces assiettes pour déjeuner, pour le service à table; généralement, on préférait les accrocher au mur, dans un but décoratif…et un tantinet politique affichant ses idées républicaines et opinions patriotiques. Sadi Carnot est préféré au Comte de Chambord par exemple, Henri V symbole des intérieurs royalistes, légitimistes.

La technique de cette céramique, employée à Sarreguemines, est la faïence fine, comme dans de nombreux autres centres de production de Lorraine. Contrairement à une faïence traditionnelle, à base d’argile, généralement ocre, et recouverte d’un émail blanc et opaque, la faïence fine est réalisée à partir d’une terre blanche, qu’il suffit de rendre imperméable par une couverte transparente. L’objectif est d’imiter la porcelaine. Le décor n’est pas peint à la main mais imprimé grâce à un procédé proche de la décalcomanie, le décor est dit chromolithographique. Grâce à l’essor de la lithographie, le portrait est multiple et ainsi la céramique peu couteuse. Le revers de l’assiette porte la marque de fabrique "Sarreguemines"en écriture cursive, avec les lettres "U&C" en surimpression, ces dernières correspondant à « Utzschneider et Compagnie », du nom de l’un des propriétaires de la manufacture. Cette assiette fut sans doute produite à plusieurs milliers d’exemplaires et c’est pourquoi il n’est pas rare d’en retrouver de semblables dans les armoires de nos aïeux. La valeur marchande n’en dépasse pas une dizaine d’euros. Il s’agit toutefois d’un intéressant témoignage de l’époque de la III ème République. Du petit objet ancien à la Grande Histoire, il n’y a parfois qu’un pas. Mais, le beau Sadi Carnot n’est-il pas le seul président de la République a être inhumé au Panthéon ?
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