Le tableau valait 1,25 million d'euros

L'Yonne Républicaine, Véronique Sellès

Un Icaunais est devenu millionnaire, à sa grande surprise, grâce à la vente pour 1.25 million d'euros d’un tableau de l’artiste italienne Lavinia Fontana représentant une jeune fille au visage poilu. L’œuvre avait été estimée entre 80.000 et 120.000 euros.

En juin 2023, la vente record du tableau de Lavinia Fontana, peintre italienne de la Renaissance, avait agité le marché de l’art, mais était passée relativement inaperçue du grand public. C’est en témoignant dans l’émission Envoyé spécial en décembre qu’un Icaunais, Jacques Moreau-Bérillon, s’est retrouvé en pleine lumière. Lors de la 35e vente "Garden Party" organisée au château d’Artigny, à Montbazon, il est devenu millionnaire à sa grande surprise, à l’issue de l’ultime coup de marteau asséné par Me Aymeric Rouillac, commissaire-priseur à Tours.

La toile abîmée par des enfants qui jouaient aux fléchettes

Parce que ses enfants ne témoignaient guère d’intérêt pour cette toile représentant une jeune fille au visage poilu, au point de l’avoir abîmée en jouant aux fléchettes dessus, l’homme de 76 ans avait décidé de la faire expertiser.

Ce tableau, il en avait hérité de son grand-oncle psychiatre, Edgar Bérillon (1859-1948), connu pour ses travaux sur l’hypnose et pour une étude sur les femmes à barbe. "C’était pour moi un compagnon d’enfance, il a toujours été accroché au mur chez nous, témoigne l’Icaunais dans l’émission de France Télévisions. J’ai grandi avec ce tableau." Dans les colonnes de La Nouvelle République, le 13 décembre, il précisait que petit, "il jouait aux petits soldats de plomb en regardant le tableau, installé dans le salon de l’appartement familial, à Paris".

Il s’agissait en réalité d’un chef-d’œuvre de la Renaissance italienne dont la présence est attestée en Bourgogne depuis le XVIe siècle, mentionne le catalogue de la vente. Le portrait est celui d’Antonietta Gonsalvus, une jeune fille au visage recouvert de poils, qui souffrait d’hypertrichose, un développement excessif de la pilosité. Cette maladie lui aurait été transmise par son père, Petrus Gonsalvus (1537-1618). Ce dernier était d'ailleurs le premier cas connu d’hypertrichose. Son mariage avec une femme très belle aurait pu inspirer l’histoire de La Belle et la Bête.

Un modèle, deux toiles

Inconnu des historiens de l’art, le tableau, adjugé à 1,25 million d’euros sans frais en juin 2023, par la Maison Rouillac qui l’avait estimé entre 80.000 et 120.000 €, est assez proche d’un autre, conservé dans la chambre de Catherine de Médicis au château de Blois.

Les deux toiles de l’artiste italienne Lavinia Fontana représentent la même jeune fille en buste, tenant à la main un papier sur lequel ont été apportées quelques notes biographiques. Mais l’expression des visages diffère légèrement, plus douce pour l’Antonietta velue méconnue.

Aujourd’hui, l’ancien propriétaire de la toile souhaiterait qu’on le laisse tranquille. "Je sais que le tableau a été acquis par un acheteur privé, consent-il à lâcher. Mais tout cela est désormais derrière moi."

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Lavinia Fontana (1552-1614), peintre italienne du XVIe siècle, est née dans une famille d’artistes de Bologne. Son père Prospero est peintre au service du pape Jules III et participe à la réalisation des fresques du Palazzo Vecchio de Florence avec Giorgio Vasari. À Bologne, la jeune femme se forme dans l’atelier de son père et épouse un de ses élèves, Giovan, en 1577, à 25 ans. Plus talentueuse que lui, elle se bâtit une carrière et en fait son assistant en lui déléguant les finitions de ses tableaux. Désireuse de mener une carrière à l’égale de celle d’un homme, elle choisit d’aborder la peinture religieuse et rencontre le succès, puisque le pape Grégoire XIII lui confie la réalisation de plusieurs œuvres dont un portrait de lui. Surnommée "la peintre pontificale", l’artiste parvient à se faire élire au sein de l’Académie des Beaux-Arts de Rome. Une première pour une femme.