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Un anneau épiscopal pour Noël

Samedi 23 décembre 2023 à 07h

Cette semaine, Laurent de Pezou soumet à notre expertise un bijou singulier : celui d’un évêque. Il souhaite un avis sur sa provenance et son histoire, ajoutant : « J’ai l’impression que ces bagues étaient très, très grosses et qu’elles sont devenues plus modestes. » C’est l’occasion pour Aymeric Rouillac, notre commissaire-priseur, d’en retracer l’histoire.



Il est venu le temps de Noël, avec ses retrouvailles et ses agapes familiales autour du sapin, ponctué par la messe de Minuit autour de la crèche. Cette célébration rassemble, par sa charge émotionnelle et symbolique, de nombreux fidèles, mais aussi des non-pratiquants venus faire mémoire de la naissance d’un enfant de migrants sur la paille d’une étable : la Nativité de Dieu fait homme pour les Chrétiens. Si cette année vous êtes assis au premier rang d’une cathédrale et que vous êtes attentifs, vous distinguerez un anneau à l’annulaire droit de l’évêque. Alors, vous vous interrogerez…

Un rapide coup d’œil sur la bague de Laurent nous permet d’en comprendre l’origine. Il s’agit d’une bague en or, sertie d’une très belle améthyste facettée rectangulaire à pans coupés ourlée de 25 demi-perles travaillées en serti clos festonné. Une croix latine située à la jonction de l’anneau atteste de la destination de l’objet : il s’agit d’une bague épiscopale, c’est à dire appartenant à un évêque. Chaque pierre précieuse ou semi-précieuse a ses vertus et attributs. Les amoureux le savent bien… et c’est la même chose pour les ecclésiastiques ! Par ordre croissant dans la hiérarchie catholique, l’améthyste de couleur violette est réservée aux évêques, les topazes jaunes aux archevêques et les rubis et saphirs aux cardinaux. Le pape porte soit son anneau d’évêque, soit « l’anneau du pêcheur », en souvenir du premier évêque de Rome, saint Pierre. Mais pourquoi l’améthyste ? « La pierre des évêques » comme on la surnomme est une pierre fine ou semi-précieuse qui fait partie de la famille des quartz. Elle est connue pour ses vertus équilibrantes et la clairvoyance qu’elle confère aux esprits. En grec ancien, « amethustos » signifie « qui préserve de l’ivresse », faisant de ce signe d’Alliance à Dieu une boussole dans la vie spirituelle des évêques, le symbole de leur fidélité au pape qui les a nommés comme à l’Église qu’ils s’engagent à servir.

À la différence des anneaux de mariage portés à la main gauche, côté cœur, par les époux et signifiant leur fidélité mutuelle, les bagues épiscopales sont portées à l’annulaire droit. L’évêque la reçoit au moment de son ordination, après s’être couché face contre terre en signe d’abandon. Il était ensuite d’usage pour les fidèles de mettre un genou à terre et de baiser l’anneau. Signe discret de reconnaissance entre les premiers chrétiens, l’anneau devient peu à peu un signe de rang et de pouvoir, son importance se renforçant avec le place première de l’Église au Moyen-Âge. Cet anneau a probablement été commandé par un prélat dans une bijouterie spécialisée autour de la place Saint-Sulpice à Paris dans la seconde moitié du XIXème siècle. Peut-être s’agissait-il de Monseigneur Dupanloup, le célèbre évêque d’Orléans ? Au décès des évêques, on retrouve ces anneaux dans leur famille ou dans des collections diocésaines mais ils peuvent aussi circuler sur le marché de l’art. L’antiquaire Yves Gastou, grand collectionneur de bagues épiscopales, les décrivait comme « le reflet d’une époque où les évêques portaient de véritables œuvres d’art ». Aujourd’hui, comme le remarque Laurent, il est plus rare de rencontrer des bagues aussi impressionnantes. Depuis le Concile de Vatican II, en 1965, le pape Paul VI a en effet montré l’exemple en donnant aux pauvres l’importante tiare – ou couronne - qui lui avait été offerte lors de son ordination. Il a invité les évêques à délester leurs anneaux ornés de pierres précieuses pour revêtir une apparence plus humble. C’est un retour à la simplicité tant de la naissance de Jésus Christ, commémorée sur de la paille d’une crèche, qu’à celle de sa mort sur le bois d’une croix.

Pour estimer la valeur de cet anneau épiscopal, nous devons nous pencher sur la qualité de l’améthyste. Sa valeur dépend de son poids en carat, de sa pureté et de la vivacité de sa couleur. La bague de Laurent dévoile un violet profond et une taille facettée courante sous Napoléon III. En l’observant sur photo, on peut supposer un poids d’au moins 10 carats, par comparaison avec la surface de l’ongle de l’auriculaire voisin. Des modèles comparables ont été vendus aux enchères et révèlent un intérêt marqué pour ces bijoux. Nous pourrions ainsi l’évaluer entre 500 et 1.000 euros ! Cette jolie somme ne doit pas faire oublier la valeur première d’une bague, qui est le plus souvent symbolique, signe d’amour et de fidélité, que l’on peut célébrer en toute occasion et particulièrement en ce moment, à l’occasion des fêtes de Noël que nous vous souhaitons à toutes et tous, très joyeuses !
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